Notre frère Marie-Théophane Moussé qui était assigné au prieuré du Mesnil, en Ehpad depuis quelques années, a été hospitalisé le dimanche 9 juin. Le mercredi 19 juin, sa santé s’est dégradée un peu plus. Frère Marie-Philippe a pu lui donner le sacrement des malades avant qu’il ne meure dans la nuit du 20 juin. Les obsèques de frère Marie-Théophane ont eu lieu dans la chapelle de l’Ehpad des petites sœurs des pauvres à Angers le samedi 22 juin 2024.
Homélie de frère Marie-Philippe
Monseigneur, cher Père, mes Sœurs, les membres de ta famille, tes amis et proches, cher frère Marie-Théophane,
une de tes sœurs a été frappé par l’évangile du jour de ton départ où Jésus nous donne la prière du Notre Père. Ainsi, cet évangile vient-il nous rappeler que dans la maison du Père, il y a de nombreuses demeures. C’est l’image du Père qui se présente à nous, Celui vers qui tu vas, de qui tu es né, et aussi le père que tu as voulu être avec Erwan, ton fils.
« Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : « Je pars vous préparer une place » ? » Tu as ta place à toi au ciel. A ce qu’il paraît que chacun a une couleur et une senteur particulière là-haut. On verra bien en son temps.
Ton chemin à toi a été parsemé d’épreuves, de blessures. Déjà à 4 mois, pendant les 8 heures d’opération, le chirurgien va demander à ta mère de prier Notre-Dame de Lourdes pour qu’il arrive à bien terminer. Ce genre d’opération sera à répéter plusieurs fois. Puis, il faudra assumer la coupure avec tes parents pendant les séjours prolongés à l’hôpital. Vient le temps du mariage mais ton premier enfant meurt si vite après sa naissance. Puis viendra Erwan, c’est une joie mais ta femme partira quelques années après. Heureusement tu pourras voir les deux filles de ton fils. Cette alternance de joie et de souffrances, tu les connaîtras aussi dans tes années de vie religieuse comme Frère de Saint-Jean. Cet appel tu l’avais reçu dès l’adolescence mais il refleurira plus tard et c’est avec un désir missionnaire que tu rentres dans notre communauté. Tu y reçois le nom de frère Marie-Théophane en raison de ton lien avec sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et ton désir de la mission. Tes moments de bonheur auront sûrement été quand tu t’occupais des jeunes, à la Ruche, à Orléans.
Notre Père du Ciel t’a donné une énorme force vitale, c’est elle qui te permettait de dépasser toutes les épreuves au long de ta vie. Mais c’est aussi ta foi. C’est avec l’Église faite d’hommes que tu avais plus de mal. Au long des années, tu es devenu râleur, en colère sur bien des sujets. Mais en parlant avec tes sœurs, j’ai réalisé quelque chose.
Ta famille avait de l’importance pour toi, mais tes ennuis de santé n’ont pas permis que tu puisses vivre de ta place d’aîné dans ta fratrie. Ta fragilité faisait qu’on s’appuyait sur d’autres. Or, tu aurais aimé donner plus, cet élan de vie en toi t’y poussait mais il y avait toujours une galère pour arrêter cet élan. Jusqu’à cet accident à Lorient qui t’a mis à terre de ton vélo et progressivement conduit en Ehpad à Lorient puis ici à Angers. Descente lente mais aussi sentiment d’abandon comme lors de ton enfance avec tes parents.
Avec tes sœurs, hier, je désirais, comme l’exprimait sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : « Sur la terre, je ne peux travailler que d’une main mais au Ciel, je travaillerai des deux mains. » Ainsi, c’est vraiment mon désir, que tu puisses enfin donner toute ta mesure au Ciel. Puisque le Père du Ciel est ton Père, nous le Lui demandons aujourd’hui. Et ta famille, notre communauté, le monde a besoin de toi ! Tout ce que tu as vécu sur la terre, là-haut va te servir pour aider ceux dont tu te rendras proche.
Oui, Jésus est le Chemin qui porte nos bouleversements du début de notre évangile. Et Il est aussi la Vie qui jaillit de la Croix. Il faut que le grain de blé tombé en terre meurt pour porter du fruit.
Je voudrais aussi souligner que tu aimais le dessin et les objets en bois. Ta chambre en garde quelques souvenirs. Je pense aussi à ce panneau que tu préparais avec les cercles des Jeux Olympiques pour la venue de la flamme olympique sur Angers et que les Sœurs et l’établissement t’avaient demandé. C’est mon dernier souvenir de toi dans ta chambre.
Tes sœurs m’ont aussi appris que tu étais la mémoire de ta famille. Tu as même écrit un recueil de tes souvenirs et des membres de ta famille. Tu y revenais régulièrement pour l’actualiser et l’améliorer.
Monseigneur, vos parents étaient des amis des parents de Bruno, notre frère. C’est le scoutisme qui fait le lien. Or, c’est élan vital en toi, Bruno, faisait que tu étais un peu un casse-cou. Ainsi, t’es-tu blessé au crâne quand tu étais scout. Il a fallu des points de suture. Une de tes sœurs disait avant-hier que tu étais « cousu main » à cause de toutes les fois où le fil est venu te recoudre.
Alors, je voudrais t’assurer de notre prière pour t’aider à déposer dans le Cœur de Jésus toutes tes blessures, toutes les demandes de pardon que tu as besoin de poser et tous les pardons qu’il te faudra donner pour goûter pleinement à la Paix que seul la plénitude de l’Amour, avec un grand A peut t’apporter. Mais après, on compte bien sur toi pour que tu puisses donner le maximum pour aider ce monde à entrer dans le Chemin vers l’Amour… sans oublier ton fils, ta famille, ta communauté, tous tes proches.
Amen.
Frère Marie-Philippe